La vie du métro
J’ai fini par toutes les connaitre, ces quinze stations qui séparent l’endroit où j’habite 竹圍站 de la gare de Taipei 台北車站, poumon et point névralgique de la ville ainsi qu’axe incontournable de correspondante. J’en connais la durée de part en part, l’espacement de l’une à l’autre, leur nom, leurs caractères chinois, leurs prononciations anglaise, chinoise, taiwanaise et hakka, les heures d’affluences ainsi que le moment précis où la radio cesse de capter sur les téléphones portables.
Parmi ces stations, il en est une qui reste pour moi une énigme, la station Mingde. Elle doit avoir un certain magnétisme qui, par un hasard incompréhensible et quasiment systématique, fait que mon regard se dirige inconsciemment sur le panneau défilant le nom des stations. Mes yeux sont comme happés, appelés par ce mot 明德. Alors on pourrait dire que cette station se situe exactement à mi chemin et que donc ... Mais peu m’importe les explication cartésiennes. Quelque chose me semble étrange. Et par superstition, je me suis jurée ne jamais m’y arrêter, excepté si quelque chose ou quelqu’un m’y amène un jour.
Dans le métro les occupations sont variées et chaque personne sa façon d’occuper ce temps de transition. Lecture, jeux, musique, coups de fil murmurés, chacun y va de sa petite activité. Cependant, nombreux sont les taiwanais qui enclenchent le mode «dormeur» durant le temps de leur trajet. D’autres se lancent dans une lutte acharnée enfin de s’efforcer à maintenir leur tête, manquant se s’effondrer sous le poids du sommeil. Il y a ceux qui dévorent frénétiquement les mangas, fraîchement déballés de leur plastique, il y a les vieilles dames qui susurrent, impassibles, des textes sacrés, faisant rouler dans leurs doigts de larges billes brillantes. Il y a les ados qui s’appliquent à peigner, ajuster et lisser leur franche ou encore les filles seules qui se prennent en photo, réitérant la pose jusqu’à obtention du résultat voulu.
Mais je dois dire que l’activité dont je raffole tout particulièrement est d'assister aux scènes de maquillage ou devrais-je dire «séance». Un véritable spectacle! Avec un commencement et une fin. L’évolution est fascinante. La transformation, captivante. Couche, re-couche et sur-couche, fignolage, peaufinage. Passant de l’ensemble au micro détail. Et le clou du spectacle se trouve dans la très périlleuse pose des faux cils, qui vient achever et couronner le tout, fixant le moment dans le plus intense des suspens.